« Ô, Vent, Si vient l’hiver, le printemps peut-il être loin ? », écrivit le poète britannique Percy Bysshe Shelley dans son Ode au vent d’Ouest, il y a un peu plus de deux siècles. Aujourd’hui c’est plutôt un vent de guerre qui souffle en Europe, et les responsables politiques du Vieux Continent se demandent ce qu’il pourra bien se passer l’hiver prochain si une coupure généralisée des importations du gaz russe vers l’Union européenne se matérialisait. Quoi qu’il en soit, le gouvernement vient de lancer un appel à projets afin de pallier les principales difficultés d’approvisionnement en combustibles ou intrants fossiles des industries nationales les plus touchées par le conflit en Ukraine et de renforcer les investissements dans la décarbonation de l’industrie.
Doté d’un budget de 150 millions d’euros, Industrie Zéro Fossile – piloté par l’Ademe dans le cadre du plan France 2030 – vise prioritairement des projets permettant une réduction de la consommation de combustibles et intrants fossiles des sites industriels. Mais le temps presse. « Les projets dont la mise en œuvre peut intervenir pour les prochains hivers seront privilégiés au regard de l’urgence de la situation », est spécifié dans le cahier des charges de ce dispositif pour la décarbonation de l’industrie, qui se clôturera le 23 juin 2022 à 15h.
Les volets de la décarbonation de l’industrie
Le premier volet dont Industrie Zéro Fossile se compose, Chaleur Bas Carbone par conversion à la biomasse (BCIAT), est réservé au projets biomasse dont la production thermique est supérieure à 12 000 MWh/an visant à alimenter des industries manufacturières. Seul seront éligibles les plaquettes forestières et assimilées, connexes et sous-produits de l’industrie de première transformation du bois, bois fin de vie et bois déchets, granulés, sous-produits industriels et agricoles.
L’utilisation de techniques améliorant les performances énergétiques et environnementales des installations de production de chaleur à partir de la biomasse est fortement recommandée. Les investissements peuvent porter sur une adaptation d’un équipement existant pour permettre la combustion de la biomasse en substitution des énergies fossiles.
Le candidat devra justifier la pertinence du projet biomasse en comparaison avec des solutions renouvelables ou de récupération alternatives. Lorsque la configuration et les besoins thermiques du site industriel le permettent, le couplage avec d’autres énergies renouvelables ou de récupération est recommandé.
L’aide à l’investissement est apportée sous forme de subvention et peut atteindre une intensité maximale de 45 % des coûts admissibles dans le cas d’une grande entreprise, 55 % s’il s’agit d’une entreprise moyenne, et 65 % pour les petites entreprises. Pour l’octroyer, l’Ademe évaluera les projets dans leurs aspects techniques, économiques et environnementaux. Le porteur du projet devra montrer sa capacité à le mettre en œuvre dans un calendrier maîtrisé, les travaux devant démarrer au plus tard dans les 36 mois suivant la date de notification de la convention. Les projets montrant les niveaux les plus élevés d’efficacité seront prioritaires.
Efficacité énergétique
Le deuxième volet, Efficacité énergétique et décarbonation des procédés (DECARB IND), s’adresse aux entreprises ciblant la décarbonation de l’industrie, notamment par une baisse de sa consommation de combustibles ou intrants fossiles, que ce soit au niveau des procédés industriels ou des équipements produisant des utilités industrielles. Les projets permettant une réduction de l’utilisation de gaz naturel des sites industriels avec une mise en œuvre rapide sont visés en priorité.
Les opérations d’investissement doivent impérativement être supérieures à trois millions d’euros sur un même site industriel, faire l’objet d’une demande d’aide strictement inférieure à 15 millions d’euros et apporter une réduction nette des émissions de gaz à effet de serre et de consommation des combustibles ou intrants fossiles, en comparant les valeurs absolues correspondantes pour la situation initiale et la situation prévisionnelle post-projet.
Les projets portant sur la décarbonation d’un procédé ou d’une utilité qui continuent à utiliser du charbon ou fioul sont éligibles si le porteur s’engage à un plan de conversion vers une énergie renouvelable thermique ou vers les combustibles solides de récupération ou vers l’électrification, et si l’amélioration porte sur un équipement autre que celui de combustion fossile.
Les projets portant sur la décarbonation d’un procédé ou d’une utilité qui continuent à utiliser du gaz naturel sont également éligibles, à condition de donner des éléments significatifs d’analyse technico-économique ayant conduit à écarter toute conversion aux énergies renouvelables, aux combustibles solides de récupération ou à l’électrification. Les projets de décarbonation de procédés utilisant le charbon, le fioul ou des bases pétrolières en tant que matières premières sont aussi éligibles.
Cet appel à projets vise uniquement le déploiement de solutions et technologies qui ont dépassé le stade de la R&D et sont donc suffisamment matures pour entrer dans une utilisation industrielle garantissant la réduction effective des émissions de gaz à effet de serre.
Thématiques et taux d’aide du deuxième volet
Ses thématiques principales tournent autour de l’efficacité énergétique, de la modification du mix énergétique, des intrants matière alternatifs, et de la réduction d’autres gaz à effet de serre que le CO2. Il est attendu des projets ambitieux pouvant couvrir de façon concomitante plusieurs de ces thématiques, tout en apportant une contribution substantielle à la baisse des consommations de combustibles ou d’intrants fossiles, en particulier de gaz naturel.
Les projets seront classés selon l’efficacité de la décarbonation en termes d’euros d’aide publique par tonnes de CO2 évitées sur 20 ans, et selon l’efficacité de réduction de combustible ou intrant fossile en termes d’euros d’aide publique par MWh de combustible ou d’intrant fossile non consommé sur 20 ans, tout cela sur la base des montants d’aide demandés par le porteur.
Ensuite, l’instruction sera complétée par l’évaluation de la cohérence et ambition environnementale du projet, la cohérence et ambition industrielle pour le site visé, et la structuration de l’offre de décarbonation de l’industrie.
L’aide sera versée sous forme de subvention. Les taux d’aide maximum appliqués sur l’assiette éligible de l’aide dépendent des thématiques des projets. Dans la première, réduction des émissions de gaz à effet de serre grâce à l’efficacité énergétique, les taux s’étendent de 30 %, accordé aux grandes entreprises, à 50 % pour les petites, en passant par 40 % dans le cas des entreprises moyennes. Dans les trois thématiques restantes, ces taux sont 40 %, 60 % et 50 %, respectivement. Il est à noter que l’assiette éligible de l’aide correspond aux coûts d’investissement supplémentaires nécessaires pour augmenter le niveau de protection de l’environnement ou d’efficacité énergétique, en prenant en compte le surcoût de l’opération par rapport à un scénario de référence ou contrefactuel qui serait moins vertueux pour l’environnement ou l’efficacité énergétique.
Un troisième volet de l’appel à projets Industrie Zéro Fossile – Déploiement rapide de la décarbonation en Industrie (DECARB FLASH) – est prévu, mais début mai 2022 n’avait pas encore été publié.