
Avis d'experts
Rapport Draghi
La nouvelle et nécessaire connexion entre compétitivité, politiques climatiques et croissance de l’UE

Susana Garayoa
Chef des relations institutionnelles à Bruxelles
Numérisation
Par le biais de son règlement sur les Infrastructures gigabit, la Commission européenne a fixé des objectifs ambitieux afin d’assurer une connectivité universelle pour l’ensemble de l’UE d’ici 2030
Consultante en projets européens
L’une des caractéristiques marquantes de notre époque est la mondialisation et la connectivité qui en découle. Toutes les sociétés, qu’elles soient technologiquement avancées ou en développement, profitent de cette connectivité. Ce qui relevait autrefois d’une simple capacité technique est aujourd’hui devenu un droit incontournable. En effet, de plus en plus d’interactions, de services, ainsi que des opportunités sociales, politiques et économiques se déroulent en ligne. Garantir un accès universel à l’internet à haut débit est donc devenu une priorité essentielle.
Dans cette optique, la Commission européenne, via son règlement sur les Infrastructures gigabit, a fixé des objectifs ambitieux afin d’assurer une connectivité universelle à l’échelle du milliard de bits d’ici 2030 pour l’ensemble de l’UE. Cette initiative vise à créer une société numérique entièrement connectée, favorisant l’innovation, la croissance économique et l’inclusion sociale. Toutefois, la concrétisation de cette vision rencontre plusieurs obstacles, tels que le coût élevé du déploiement et la fragmentation réglementaire entre les États membres. Pour y parvenir et réduire la fracture numérique, il est impératif d’apporter des réformes majeures, de renforcer la collaboration entre les secteurs public et privé, et de poursuivre les avancées technologiques.
Malgré des progrès notables dans le développement des infrastructures numériques, l’Europe reste marquée par une connectivité inégale. Un fossé persistant sépare les zones urbaines et rurales, ces dernières étant encore mal desservies, comme le révèle le rapport sur l’état de la Décennie numérique. Les régions rurales, en particulier, peinent à se doter d’infrastructures à cause de leur faible densité de population, ce qui limite l’attractivité pour les opérateurs télécoms. Cela entraîne un déploiement plus lent et coûteux, accentuant la fracture numérique.
Le coût élevé des réseaux gigabit, notamment dans les zones reculées, constitue l’un des principaux freins. Les infrastructures en fibre optique et la 5G nécessitent des investissements massifs dans les travaux de génie civil, tels que le creusement de tranchées pour les câbles souterrains ou l’installation de nouveaux pylônes. La Commission européenne estime que le coût d’une couverture gigabit complète pourrait dépasser 200 milliards d’euros, rendant difficile pour les acteurs privés d’investir sans un soutien public significatif.
La complexité des procédures administratives représente également un défi majeur. Les opérateurs doivent surmonter de longs délais pour obtenir les autorisations nécessaires à l’installation des infrastructures, notamment dans les régions où les réglementations locales sont plus restrictives. Ces obstacles varient considérablement d’un État membre à l’autre, ralentissant encore le déploiement de réseaux transfrontaliers. Le règlement sur les Infrastructures gigabit cherche à simplifier ces démarches et à inciter les États membres à rationaliser leurs procédures d’autorisation, afin de réduire les délais et de rendre les réseaux plus abordables.
Le partage d’infrastructures est une autre solution sous-exploitée qui permettrait de réduire les coûts. Les opérateurs télécoms peinent souvent à trouver des cadres favorisant le partage de gaines, poteaux ou autres actifs physiques avec leurs concurrents, ce qui les oblige à construire des infrastructures redondantes. Le nouveau règlement vise à renforcer les obligations de réutilisation des infrastructures, facilitant l’accès aux réseaux existants pour les petits opérateurs, en particulier dans les zones sous-desservies.
Les ambitions numériques de l’Europe sont clairement définies dans sa stratégie pour la Décennie numérique, qui fixe des objectifs ambitieux à l’horizon 2030. Le plus urgent est d’assurer un accès universel à un internet rapide, sécurisé et durable à une échelle gigabit. Cet objectif est crucial non seulement pour garantir l’inclusion numérique, mais aussi pour soutenir les ambitions économiques plus larges de l’UE, telles que l’innovation dans l’intelligence artificielle, l’internet des objets ou les villes intelligentes.
Atteindre une connectivité gigabit universelle nécessitera des avancées significatives dans les technologies réseau, ainsi qu’une hausse des investissements dans les infrastructures. Les partenariats public-privé joueront un rôle central dans la réalisation de cet objectif. En mobilisant à la fois des capitaux privés et des fonds publics, ces partenariats peuvent favoriser le développement de réseaux à haut débit, notamment dans les régions où la rentabilité ne justifie pas les investissements privés. Des initiatives telles que le Connecting Europe Facility (CEF) et InvestEU contribuent déjà à cet effort, mais des actions supplémentaires seront nécessaires pour garantir qu’aucune région ne soit laissée pour compte.
Par ailleurs, la durabilité devra être un pilier essentiel du développement des infrastructures. Le Pacte vert pour l’Europe fixe des objectifs ambitieux pour réduire l’empreinte environnementale de tous les secteurs, y compris les télécoms. Les réseaux gigabit, bien qu’indispensables pour la croissance économique, devront être déployés avec une attention particulière à l’efficacité énergétique et à la réduction de l’impact environnemental. Des technologies comme l’informatique en périphérie, qui limite la transmission de données sur de longues distances, et l’utilisation des énergies renouvelables dans les infrastructures, joueront un rôle clé pour aligner les réseaux gigabit sur les objectifs de durabilité et de neutralité carbone de l’UE.
La simplification des procédures administratives restera également une priorité. Si le règlement sur les Infrastructures gigabit propose de simplifier la délivrance des permis, des efforts accrus seront nécessaires à l’échelle nationale et locale pour coordonner les cadres réglementaires dans toute l’UE. En éliminant les goulots d’étranglement et en harmonisant les régulations, l’Europe pourra garantir un déploiement plus rapide et plus rentable de ses infrastructures gigabit.
Enfin, il sera essentiel de développer une main-d’œuvre qualifiée. La stratégie de la Décennie numérique ambitionne de former 20 millions de spécialistes des TIC d’ici 2030 pour accompagner la transformation numérique de l’Europe. Cependant, l’UE est encore loin de cet objectif. La pénurie de professionnels qualifiés risque de freiner le déploiement et la maintenance des réseaux gigabit, compromettant ainsi les ambitions de connectivité. Investir dans l’éducation, la formation professionnelle et la reconversion sera indispensable pour combler ce déficit.
Le règlement sur les Infrastructures gigabit marque une étape décisive dans la feuille de route de l’UE vers une connectivité internet universelle, sécurisée et rapide. En s’attaquant aux défis des coûts, des retards administratifs et du partage des infrastructures, il jette les bases d’une Europe plus inclusive et connectée. Toutefois, le chemin vers une connectivité gigabit pour tous d’ici 2030 demeure semé d’embûches.
La collaboration public-privé, l’innovation technologique, l’harmonisation réglementaire et la formation d’une main-d’œuvre qualifiée seront indispensables pour combler la fracture numérique. Si l’UE réussit à surmonter ces obstacles, elle deviendra non seulement un leader mondial en matière d’infrastructures numériques, mais aussi un acteur clé dans la construction d’une économie numérique plus résiliente, innovante et durable.
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