Alors que l’Union européenne se prépare à définir son prochain cadre financier pluriannuel, le débat sur le futur programme-cadre de recherche et d’innovation (FP10) prend de l’ampleur. Le Parlement européen a déjà adopté un rapport prônant une séparation entre le futur Fonds européen de compétitivité et le FP10 dans le cadre du cadre financier pluriannuel. De plus, lors d’une réunion informelle organisée sous l’égide de la présidence polonaise de l’UE, les ministres de la Science et de la Recherche des 27 États membres ont approuvé la Déclaration de Varsovie dans le même sens.
Conformément à ces positions, bien que le FP10 et le fonds visent à renforcer le leadership économique et technologique de l’Europe, le nouveau programme-cadre devrait continuer à se concentrer sur la recherche, le développement et l’innovation (R&D&I) sans être subordonné à des objectifs plus larges de politique industrielle. Par ailleurs, le Programme de travail 2025 de la Commission européenne et la feuille de route de la DG Budget pour le prochain cadre financier pluriannuel offrent une occasion opportune de plaider en faveur d’un FP10 bien financé, garantissant le leadership de l’Europe dans les technologies de pointe.
Un doublement nécessaire de l’écosystème d’innovation européen
Soutenir la recherche depuis les sciences fondamentales jusqu’à la mise sur le marché nécessite une augmentation des financements, de meilleures structures de recherche, une collaboration plus forte entre l’industrie et le monde académique, ainsi que des mécanismes de mise en relation robustes. Le Clean Industrial Deal, lancé dans le cadre de la politique industrielle de l’UE, souligne la nécessité d’un investissement substantiel dans les technologies propres, la fabrication de batteries, l’hydrogène et la décarbonisation industrielle — des secteurs qui bénéficieront considérablement d’un FP10 renforcé.
Renforcer l’industrie, la R&D et la cohésion régionale joue un rôle fondamental dans la compétitivité de l’Europe. Des préoccupations ont été soulevées concernant la manière dont le Fonds européen de compétitivité interagira avec les financements régionaux et les programmes complémentaires. Assurer des synergies entre FP10, la politique de cohésion et les initiatives nationales sera crucial pour stimuler une croissance économique durable dans toutes les régions de l’UE.
Un appel à l’investissement stratégique dans la science et l’innovation
L’initiative Choose Europe, dirigée par Manuel Heitor, souligne l’urgence de positionner l’Europe comme le centre privilégié pour la recherche, l’innovation et l’investissement. Cette initiative plaide pour un alignement renforcé entre FP10 et la politique industrielle, tout en protégeant l’indépendance de la recherche scientifique. Elle met en lumière l’importance d’augmenter les investissements publics et privés dans les écosystèmes de recherche européens et de garantir que FP10 reste un instrument attractif pour les talents mondiaux et la recherche de pointe. Choose Europe plaide pour le renforcement de l’autonomie stratégique ouverte par une compétitivité fondée sur la science, assurant que l’Europe conserve son leadership dans les technologies de rupture et les innovations de pointe.
Le rôle des associations académiques et la valeur de la science
Les associations académiques ont souligné le rôle crucial de la science pour favoriser la collaboration, stimuler le progrès technologique et relever les défis mondiaux. Elles estiment que FP10 doit continuer à soutenir la recherche fondamentale pour combler les lacunes de connaissances et construire des synergies entre l’excellence scientifique et l’innovation industrielle. Renforcer la recherche menée par les universités, favoriser les partenariats public-privé et garantir une collaboration scientifique ouverte seront essentiels au succès de FP10 dans la définition de l’avenir de l’Europe.
Compétitivité, autonomie stratégique et défense
Le débat sur FP10 se déroule dans un contexte de préoccupations croissantes concernant la capacité de l’Europe à maintenir sa compétitivité mondiale. L’engagement de l’UE à renforcer sa souveraineté technologique et à réduire ses dépendances vis-à-vis de pays tiers fait de FP10 un instrument clé pour stimuler l’innovation et le leadership industriel.
De plus, l’importance du secteur de la défense et des technologies à double usage est de plus en plus reconnue comme essentielle pour l’autonomie stratégique de l’Europe. Des experts, dont Manuel Heitor, plaident pour que FP10 soutienne la recherche à double usage, garantissant que les avancées dans les technologies critiques bénéficient à la fois aux applications civiles et militaires. Renforcer l’industrie de la défense européenne par l’innovation améliorera la sécurité et la compétitivité, en ligne avec les priorités plus larges de l’UE.
CEPSLab2025 et la vision pour FP10
Lors de l’événement CEPSLab2025, qui s’est tenu récemment, les discussions ont porté sur la vision pour FP10, mettant l’accent sur la nécessité d’optimiser la gouvernance, de renforcer l’innovation orientée par des missions et de consolider les partenariats mondiaux. Andrea Renda, directeur de recherche chez CEPS, dirige une étude clé sur ce sujet intitulée Vers un FP10 ambitieux, soutenue par le Wellcome Trust, l’Imperial College London et la Fondation Gates. Prévu pour la période 2028-2034, FP10 succédera à Horizon Europe et restera la plus grande initiative mondiale de financement de la R&I. Les rapports récents d’Enrico Letta, Mario Draghi et du groupe Heitor soulignent la nécessité de doubler le budget de FP10 pour restaurer le leadership de l’Europe en matière d’innovation.
Le rapport de CEPS propose une réforme structurelle basée sur un modèle inspiré du cerveau, comprenant un noyau pour la recherche de classe mondiale, un hémisphère de compétitivité axé sur la transformation industrielle et un hémisphère de biens publics mondiaux visant à relever les défis internationaux. FP10 doit également être agile et adaptable, en intégrant l’intelligence artificielle pour optimiser la sélection des projets, le suivi et le financement. La gouvernance doit être sur mesure : l’hémisphère de compétitivité soutiendrait la R&I à double usage (civil et militaire), des institutions de type ARPA et des achats innovants, tandis que l’hémisphère de biens publics mondiaux se concentrerait sur l’innovation orientée par des missions et sur des partenariats inclusifs.
Enfin, le rapport souligne que FP10 doit renforcer son alignement avec les politiques de l’UE et internationales, en veillant à ce que son hémisphère industriel soit connecté aux politiques de compétitivité, de défense et de commerce, tandis que son hémisphère de biens publics mondiaux s’intègre avec les politiques de santé, de durabilité et de l’agenda d’action extérieure de l’UE.
La Commission européenne présentera sa proposition préliminaire pour le prochain CFP en juillet. La proposition clarifiera les priorités clés de financement, y compris la manière dont le budget sera structuré. Un projet de programme-cadre de recherche suit généralement le CFP.
Conclusion
Avec les prochaines négociations sur le CFP, il est impératif de garantir un budget ambitieux pour l’innovation. Il doit rester un pilier indépendant pour la recherche et l’innovation, favorisant le leadership de l’Europe dans les technologies clés tout en complétant les politiques industrielles et de compétitivité plus larges. Le moment de défendre un FP10 fort est maintenant, car les décisions prises aujourd’hui façonneront le paysage de l’innovation européenne pour les années à venir.
Zabala Innovation a récemment organisé un événement au Parlement européen, accueilli par la députée européenne de la commission ITRE, Lina Gálvez Muñoz, qui a vu la participation du président du groupe d’experts de la Commission, Manuel Heitor, de la DG RTD et d’acteurs clés du secteur.