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Comment réussir sa participation à un appel à projets de l’Ademe

Parisa-Louise Darzi
Consultante senior et experte en dispositifs de l’Ademe
Transition écologique
Le paysage des appels à projets s’étoffe, mais la cohérence d’ensemble reste déterminante pour la suite
Consultante senior et experte en dispositifs de l’Ademe
La décarbonation de l’industrie française se structure progressivement comme un pilier de la stratégie nationale de transition écologique. Avec la prochaine relance de cinq appels à projets dédiés, annoncée le 18 avril par les ministres Éric Lombard et Marc Ferracci sur le site de Saint-Gobain à Vaujours (Île-de-France), le gouvernement confirme sa volonté de maintenir une dynamique d’investissement ciblé. Ces dispositifs, qui seront réactivés dans le cadre du plan d’investissement France 2030, ont pour ambition de soutenir la modernisation bas carbone de l’appareil productif national, dans un contexte de réindustrialisation européenne et d’adaptation aux objectifs climatiques du paquet Fit for 55.
Ce retour des guichets publics, qui intervient après une première vague d’appels à projets ayant mobilisé plusieurs centaines de millions d’euros, poursuit une logique déjà bien connue des acteurs de l’innovation industrielle : combiner le soutien à l’investissement matériel, l’accompagnement des démarches territoriales et la stimulation de l’offre technologique bas carbone. Les instruments mobilisés couvrent une palette de situations : de l’implantation de chaufferies biomasse à la démonstration de technologies émergentes, en passant par l’accompagnement de zones industrielles entières dans l’élaboration de feuilles de route de décarbonation. L’objectif affiché est double : réduire les émissions à la source tout en positionnant l’industrie française sur les segments stratégiques de l’économie verte.
Ces dispositifs traduisent une approche de la transition fondée sur l’identification de leviers d’action concrets, à l’échelle des sites et des projets. En mobilisant des aides à l’investissement allant de quelques centaines de milliers à plusieurs dizaines de millions d’euros, l’État cherche à répondre à la diversité des besoins : petites unités de production, PME innovantes, zones industrielles à forte densité énergétique ou encore projets technologiques structurants. Cette logique de différenciation des instruments est souvent saluée par les porteurs de projets, qui y trouvent un cadre lisible, associé à des guichets récurrents, favorisant une planification à long terme.
Cette relance d’appels à projets s’inscrit dans un environnement de transition en constante évolution. Le contexte économique, marqué par la volatilité des prix de l’énergie, les impératifs de compétitivité internationale et les arbitrages d’investissement au sein de groupes multinationaux, rends plus complexe la prise de décision des industriels. De plus, la montée en puissance des exigences réglementaires européennes — qu’il s’agisse du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) ou de l’évolution des quotas ETS — impose aux entreprises une transformation rapide, à la fois sur les procédés, les intrants et les usages énergétiques.
Dans ce cadre, les aides publiques jouent un rôle d’amortisseur, mais aussi de déclencheur. L’impact réel des appels à projets dépend largement de leur capacité à créer un effet de levier sur des projets qui, sans cela, seraient reportés ou redimensionnés. C’est notamment le cas pour les technologies de captage, d’électrification ou de substitution matière, qui, bien qu’identifiées comme clés dans la transition, impliquent des investissements lourds et parfois risqués. Le succès de l’appel à projets DEMIBaC ou la montée en puissance du soutien aux grandes infrastructures via les nouveaux contrats d’aide de 15 ans montrent que la logique de financement à long terme devient incontournable.
Un autre enjeu concerne l’accessibilité des dispositifs pour l’ensemble du tissu industriel. Le format Décarb Flash (petits projets de décarbonation de sites industriels) ou IBaC PME (petits projets portés par des PME) vise à répondre à cette problématique, en adaptant les guichets aux capacités des petites structures. Néanmoins, le recours à ces appels à projets suppose souvent une ingénierie administrative et technique conséquente. À cet égard, la montée en compétence des écosystèmes locaux d’accompagnement — clusters, agences régionales, cabinets spécialisés tels que Zabala Innovation — constitue un facteur clé pour garantir l’équité d’accès au financement et éviter les effets d’exclusion territoriale ou sectorielle.
Enfin, la question de la cohérence d’ensemble mérite attention. Si l’approche par appels à projets permet une allocation ciblée des ressources, elle nécessite en parallèle une coordination stratégique étroite entre les différents niveaux d’action publique. L’articulation avec les politiques régionales, l’alignement avec les priorités de réindustrialisation, et la cohérence avec les mécanismes européens sont autant de conditions qui déterminent l’efficacité globale des dispositifs. Le cas de l’appel à projets Zones industrielles bas carbone (ZIBaC), par exemple, illustre l’intérêt d’une approche intégrée, combinant diagnostics territoriaux, mutualisation des infrastructures et trajectoires concertées.
En ce printemps 2025, la trajectoire française de décarbonation industrielle semble donc progresser sur une base pragmatique, mêlant incitations financières, mobilisation des acteurs économiques et adaptation des outils. L’ampleur des moyens mobilisés par le biais de France 2030 témoigne d’une volonté réelle de transformation. Mais cette transition ne pourra se concrétiser durablement que si les dispositifs s’inscrivent dans une logique systémique, capable de relier les dynamiques locales aux objectifs nationaux et européens.
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